La fin du Lieutenant Fiancey

La fin du Lieutenant Fiancey

 

Fiancey était le nom de résistant de François de Quinsonas, fils aîné du Marquis Paul de Quinsonas, né le 24 novembre 1911. Ce dernier avait été nommé, par arrêté préfectoral, en 1941, maire de Saint-Égrève. 1941 : cela signifie certaines choses en sous-entendu. Du fait de la débâcle en mai-juin 1940, le Maréchal Pétain, chef du gouvernement depuis le 16 juin 1940, signe l'armistice avec l'Allemagne le 22 juin 1940. Les clauses définies par cet armistice sont très sévères à l'égard de la France : entre autres, des clauses territoriales. La France est divisée en deux : la France du nord (France directement occupée par les nazis, avec Paris comme capitale) et la France du sud (dite France "libre", avec Vichy comme capitale). Entre ces deux France passe la ligne de démarcation. Le régime de Vichy se caractérise enfin par la mise en place d'une collaboration d'Etat (collaboration sans doute tactique pour la plupart des Vichystes qui pensent obtenir des compensations de la part du régime nazi). Mais cela, tout le monde le sait…

Pour revenir à l’histoire de Saint-Égrève, le marquis de Quinsonas devenait maire pendant l’occupation allemande, ce qui sous entend accepter en même temps une certaine collaboration avec l’ennemi. François de Quinsonas a beaucoup souffert de cet état de fait. Lorsqu’il eût la possibilité de s’engager dans la résistance, pour « redorer » le blason familial, il le fit sans hésiter. On lui permit de rejoindre la Compagnie Stéphane, alors établie en 1944 dans le massif de la Chartreuse. Il avait pris naturellement le nom de guerre de « Lieutenant Fiancey » en référence à une des propriétés de sa famille.

Peu d’hommes de la compagnie Stéphane peuvent affirmer l’avoir bien connu car il fut tué par les Allemands, lors de l’attaque du Fort de la Bastille, au Mont Rachais le 27 juillet 1944, c’est à dire seulement quatre jours après son enrôlement !

Germain Navizet est allé rechercher son corps sous le nez des Allemands, en plein jour. Il s’était dit « Mon vieux, je te dois bien cela, même si c’est risqué d’aller là-bas ! » Il y avait encore beaucoup d’Allemands car les combats eurent lieu la veille, pourtant ils n’essuyèrent aucun tir. Peut-être étaient-ils encore dans la caserne de la Bastille, et qu’ils n’étaient pas encore remonté. D’ailleurs, après ces combats, deux copains avaient commencé à redescendre son corps, alors qu’il faisait toujours nuit, avant de cacher son corps. Il y avait encore de nombreuses patrouilles. Toujours, lors de cette fameuse nuit de combats, Germain Navizet était du côté de Pique-Pierre, avec un autre de la Compagnie Stéphane. Ils étaient deux car il y avait deux sentinelles qui étaient sur le pont. Chacun avait sa sentinelle à neutraliser. Après un combat au corps à corps, le deuxième maquisard et lui-même parvinrent chacun à abattre leur sentinelle allemande. D’ailleurs, cet acte de bravoure lui valut une citation. La sentinelle descendue, ils s’étaient emparé de leurs armes. C’est le lendemain matin que Germain Navizet est allé récupérer le corps du Lieutenant Fiancey, avec l’aide de deux autres camarades de la compagnie Stéphane. Ils étaient descendus depuis les champs qui se trouvent en face de la Bastille. Ils portèrent son corps jusqu’à la route pour ensuite le déposer dans un tombereau. Il y avait en appuis, trois groupes de tireurs embusqués pour protéger leur retraite. Un groupe était juste au-dessus de la route nationale, dans les gorges qui montent vers la Frette, et les deux autres groupes étaient un peu plus haut. Comme la route montait depuis Grenoble jusqu’à la Frette, c’était prévu de mettre son corps dans un tombereau car ils ne pouvaient pas le transporter, sur une longue distance, uniquement en le portant sur leurs épaules. Dans ce tombereau, ils avaient mis dedans des sarments et de la paille par dessus. Et ensuite, à la Frette, c’est une voiture du maquis qui l’a emmené à la cure du Sappey. Ils le lavèrent. Son corps était couvert de sable et de sang. Ses parents vinrent reconnaître son corps.

Germain Navizet ne l’a pas côtoyé durant ses quatre jours de services à la compagnie car il était dans une autre section. Les hommes reprochèrent au capitaine Stéphane de l’avoir nommé « chef de section » (une section : environ 15 hommes) parce qu’il n’avait aucun entraînement au combat, surtout que deux ou trois autres hommes étaient sous-lieutenant aspirants, qu’ils étaient chef de groupe et qu’ils auraient mieux pris le grade de « chef de section » à sa place.

Le lendemain, 22 août 1944, c’était le grand jour de la libération de Grenoble. C’est la compagnie Stéphane qui mit en déroute les Allemands, si bien que lorsque les Américains pénétrèrent, quelques heures plus tard, dans la capitale des Alpes par ce qui est aujourd’hui le cours de la Libération, ils ne rencontrèrent aucun soldat allemand, mais en revanche une foule en liesse, pleurant et chantant de joie.

Le lieutenant Fiancey était papa d’une petite fille depuis peu, sa femme ayant accouché une dizaine de jours en arrière. Depuis, sa fille fréquente de temps en temps « L’Amicale des anciens de la compagnie Stéphane ».

Le lieutenant Fiancey est enterré dans la partie ancienne du cimetière de Saint-Égrève, à la Monta. Sa tombe est dans le fond, non loin du Carré Militaire, adossée au mur d’enceinte. Sur la stèle, on peut y lire qu’il était « Chevalier de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939 1945, officier de chasseurs d’Afrique, lieutenant au premier bataillon du Grésivaudan. La compagnie Stéphane était devenue le 29 août 44, la première compagnie du Bataillon de Belledonne.

 

 

Écrire commentaire

Commentaires: 1
  • #1

    Royer (mardi, 18 octobre 2016 15:43)

    Mon père faisait parti de ces hommes qui ont attaqué le fort de la Bastille . Il était le chef du groupe (Rolland). Il à fait parti aussi de ces quelques hommes qui ont transporté sur leurs épaules le Lieutenant Fiancey dans sa famille .Mon père lui avait demandé pourquoi il était rentré dans la Cie Stéphane au lieu de servir la résistance par sa place à la mairie ? Le Lieutenant lui a répondu :Que dans sa la famille De Quinsonas les hommes sont rarement morts dans leur lit .