L'HÔPITAL PSYCHIATRIQUE DEPARTEMENTAL
LE PRIEURE DE SAINT ROBERT
En l’espace de quelques années, on observe la naissance et la croissance d’un hameau à proximité du prieuré.
Il prend naturellement le même nom que le prieuré : Saint-Robert.
En ce qui concerne le prieuré, il existe de nombreux dessins et plans. Construit autour d’un pré central et avec quelques vicissitudes il va être, au fil des siècles, démoli puis reconstruit plusieurs fois. De ce prieuré, il ne reste plus que quelques vestiges dans l’actuel bâtiment de la Buanderie-Lingerie où l’on retrouve l’emplacement d’une cloche tout en haut de la façade Sud. On y découvre également une pierre tombale de François Garcin, prieur au XVIIème siècle. Lors de travaux de terrassements, plusieurs squelettes furent exhumés à cet endroit, sur l’emplacement d’un ancien cimetière.
Le Prieuré, alors fondé sur des terrains possédés par des Comtes d’Albon, renferme les cendres de plusieurs membres de cette illustre famille. Peut-être pour cette raison, le monastère aura continuellement les faveurs des Dauphins, qu’ils fussent des Maisons d’Albon, de bourgogne ou de la Tour-du-Pin. En 1209, Béatrix d’Albon, en se mariant avec Hugues III, donne au Prieuré l’entière souveraineté sur ses biens.
Cette souveraineté va encore beaucoup plus loin, grâce au Dauphins Jean II qui, après avoir visité le Prieuré le 12 avril 1310, lui accorde le droit de justice civile et criminelle sur tous les habitants de Cornillon, aujourd’hui Le Fontanil, et de Saint-Égrève (* réunion de plusieurs communautés ou de plusieurs paroisses dont un officier appelé châtelain était chargé de la police locale et de l’exécution des ordres du Prince), exception faite pour les crimes passibles de la peine de mort ou de la mutilation. Les biens des hommes condamnés étaient bien-sûr confisqués et revenaient de droit au prieur.
En 1344, le Dauphin Humbert II décide que le monastère aurait 34 moines y compris l’abbé. Avec la charte du 29 octobre de l’an 1344, il ratifie tous les privilèges précédemment accordés, et assure une rente annuelle de 100 florins d’or, et investit le Prieuré du droit de haute, moyenne et basse justice dans toute l’étendue de la paroisse de Saint-Égrève. Son souhait était d’établir le Prieuré au même rang qu’une abbaye. Cependant, l’Abbaye de la Chaise-Dieu, craignant que son influence s’amoindrisse, s’opposa à cette réalisation.
Dans le milieu du XVIème siècle, au cours des guerres de religions, les moines du Prieuré auront à se défendre et à protéger leurs biens. Le Prieuré, tout comme le Dauphiné en général, sera exposé aux dévastations de la guerre. Une grande partie du Prieuré sera détruite. Des plans extraits des Archives Nationales montrent qu’il ne semble rester que la partie la plus ancienne du Prieuré : le Chœur de l’Église qui résista encore pendant plusieurs années avant d’être définitivement détruit en 1868.
Avec courage et volonté, le Prieuré est reconstruit. De nouveaux bâtiments (dont il reste aujourd’hui quelques vestiges) prennent place sur les restes de l’ancien couvent. Le Prieuré connaîtra un nouvel essor.
Louis XIV qui connaît l’existence du Prieuré confirme, par l’intermédiaire d’une lettre patente datée d’août 1677, tous ses privilèges : fondations , dotations, droit de juridiction imminente et franchise de toute rente, dont jouissait déjà le Prieuré de Saint-Robert.
Puis, au fil des siècles, l’objectif de départ du prieuré, établissement religieux, va parfois changé.
En 1691, pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, au cours de laquelle l’armée royale combat les Italiens, le prieuré devient, sur ordre de Louis XIV un hôpital militaire. Le Bulletin Ecclésiastique du Diocèse de Valence rapporte cette note :
« En conséquence, le 4 février suivant, on coupa tous les arbres de l’enclos réguliers et on bâtit deux salles pour commencer l’hôpital, le 10 juillet on en fit une troisième et le 23 août, on obligeait les religieux d’emporter tous leurs meubles et de céder leurs appartements aux soldats malades dont le nombre augmentait chaque jour. »
Les salles qui sont donc construites ont des superficies importantes
Puis, à l’issue de ces guerres, en mars 1698, par un brevet royal, les moines reprennent possession des bâtiments qu’ils conservent jusqu’à la Révolution.
Mais, le 6 mai 1790, les représentants de la commune de Saint-Égrève saisissent, par un procès-verbal, le prieuré et somment les 3 derniers moines de le quitter. Un inventaire est dressé avant que tous les biens ecclésiastiques soient dispersés. Une partie de ces biens est revendue aux enchères. L’inventaire mentionne une bibliothèque riche de quelque 1215 volumes ! Seuls, quelques rares exemplaires sont parvenus jusqu’à nous.
Le Prieuré de Saint-Robert et les propriétés attenantes sont vendus, et rachetés puis revendus, passant entre les mains de divers propriétaires… jusqu’à ce que le Département en fasse l’acquisition le 17 octobre 1812. Voici les différents propriétaires :
Le premier propriétaire, nommé Dalban, avait acheté le Prieuré pour la somme de 36.000 francs. Le second s’appelait Dupré. Celui-ci veut en faire une maison d’habitation. Si un plan de ce projet existe toujours, il semble n’avoir jamais été mis à exécution. Le troisième acheteur est un certain M. de Bardonnanche qui l’achète pour la somme de 40.000 francs, le 24 septembre 1805. Finalement, le 7 mai 1812 et pour 45.000 francs, le Département rachète le Prieuré au dernier propriétaire dans le but d’en faire un Dépôt de Mendicité, conformément au décret du 5 juillet 1808 qui prévoit l’existence d’un Dépôt de Mendicité (devant accueillir les plus déshérités) dans chaque Département. Pour l’histoire, rappelons que de 1808 à 1814, 35 départements auront chacun un Dépôt de Mendicité.
Au départ prévu pour les mendiants, les vagabonds, les désœuvrés, pour lesquels on prévoyait de leur trouver un travail, le Dépôt va accueillir une autre population : des hommes et des femmes porteurs de maladies vénériennes, des porteurs de la gale, des femmes enceintes ou ayant accouchées dans la semaine, des filles « libertines » amenées par la garde,… et quelques aliénés. On voit donc que ce Dépôt est devenu à la fois maison de refuge et maison de correction. Ainsi, les condamnés à des peines inférieures à un an y sont hébergés. On comprend que la confusion est grande : au départ, ce dépôt de mendicité avait été prévu pour accueillir mendiants, vagabonds et désœuvrés, … et pourtant, on y accueille en plus d’autres populations : les fous et les vénériens ne devaient, en pratique, pas y être admis.
En 1812, on note que le personnel est en majorité composé d’anciens militaires ou d’anciens gardiens de prison, alors que la direction est composée d’un médecin, d’un chirurgien, et d’un pharmacien. On peut s’imaginer comment sont traités les malheureux enfermés entre ces murs.
Certains rapports sont éloquents :
L’un d’eux datés de 1868 décrit des cachots noirs, voûtés, dallés en pierres dures, à murs épais, au soubassement desquels étaient scellés des anneaux. L’air et la lumière n’avaient d’accès que par une lucarne dépourvue de vitre de 40 à 50 cm de côté et garnie de barreaux de fer de 3 cm d’épaisseur. Une porte bardée de fer intérieurement constituait l’entrée de ces prisons basses et obscures où ont vécu, autrefois, chargés de chaînes et scellés au mur, tant de malheureux privés de raison.
Des chiffres sont données pour le 12 juillet 1818 :
Fous et folles : 18 ; filles-mères : 35 ; vénériens et vénériennes : 35 ; gâteux et teigneux : 12.
Le 30 juin 1838, une loi sur les aliénés est promulguée selon laquelle le dépôt de mendicité de Saint-Robert, qui n’est en fait qu’une succursale des prisons de Grenoble, devient petit à petit une sorte d’hospice.
Entre 1844 et 1864, avec le docteur Evrat, premier directeur et médecin (thèse soutenue en décembre 1824), il devient officiellement un asile psychiatrique public départemental, jusqu’en 1937.
De nombreux travaux seront réalisés de 1867 à 1887. Parmi ceux-ci, nous notons l’acquisition en 1872 de l’ancienne ferme-école de Saint-Égrève, doublant ainsi le domaine cultivable de l’établissement. Cette ferme est aménagée en 1873 pour recevoir 80 aliénés.
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