Les ciments VICAT
LOUIS VICAT : Il voulait devenir poète... et fut l'inventeur du ciment artificiel, "l'or gris", celui qui devait transformer radicalement les méthodes de construction dans le monde entier.
Au début de XIXe siècle, Louis Vicat (1786-1861) est un jeune ingénieur des Ponts et Chaussées de 32 ans. Il commence sa carrière en cherchant longuement une nouvelle matière capable de durcir rapidement sous l'eau pour remplacer le mortier à prise lente. Admiratif du savoir faire des Romains qui utilisaient un ciment de ce type défiant le temps, il essaie de percer leur secret, analyse les constituants des
liants, modifie les dosages, procède à des synthèses et finalement met au point le ciment artificiel en 1817. "L'or gris" est né ! Les premiers ciments issus de ces travaux avaient des caractéristiques de prise prompte, c’est-à-dire comprise entre 3 et 8 min. Modeste et totalement dévoué à la cause publique, il ne dépose pas de brevet pour son invention mais au contraire conseille bénévolement les industriels qui se lancent alors dans la fabrication du ciment. Il refuse même un fauteuil à l'Académie des Sciences de Paris afin de poursuivre ses recherches ; ce qui lui valut une reconnaissance internationale. Il est Commandeur de la Légion d'honneur, décoré de l'ordre de Sainte-Anne de Russie, Chevalier de l'Aigle rouge de Prusse... Son fils, Joseph Vicat, qui fut son assistant pendant 20 ans, continuera sur la lancée et créera la première usine de la société Vicat en 1853, à Saint-Egrève.
DES CIMENTS BIEN DISTINCTS
Le ciment est une poudre minérale très fine, obtenue par broyage et cuisson à 1.450 degrés d'un mélange de calcaire et d'argile. Le produit de la cuisson, appelé "clinker", est pour l'essentiel une combinaison de chaux, de silice, d'alumine et d'oxyde de fer. Il existe diverses catégories de ciment selon la composition chimique des matières premières, les ajouts éventuels de constituants complémentaires au moment du broyage et la finesse du produit.
Depuis plus de 150 ans, l'exploitation d'une veine de pierre spécifique à Saint Martin-le-Vinoux a permis la production d'un ciment particulier unique en Europe : le ciment Prompt. Ce liant naturel résulte de la cuisson à température modérée d'un calcaire argileux de composition régulière, suivie d'un broyage très fin. Cette spécificité du groupe VICAT lui permet de commercialiser le ciment Prompt et ses dérivés. Le procédé de fabrication leur confère une composition minéralogique très spécifique à l'origine de multiples propriétés: prise et durcissement rapide (quelques minutes), adhérence, résistance aux eaux agressives, durabilité.
Un ancien des Ciments VICAT raconte :
D.L. : Monsieur Marcel Gaude-Barbier, parlez-moi de votre travail aux Ciments VICAT ?
J’ai travaillé aux Ciments VICAT de 1951 à 1987 qui ont racheté les Ciments Porte de Franceen 1970.
D.L. : Il y avait beaucoup d’employés ?
A l’époque de ce passage Porte de France / Ciments VICAT, on a compté jusqu’à 250 ouvriers. Le personnel était logé à la Cité des Ciments, celle que l’on trouve en sortant de l’hôpital. La maison des chefs était un peu plus loin. Les deux villas situées à droite de La Poste appartenaient au directeur et au sous-directeur. Les chefs d’équipe, contremaîtres, étaient logés dans une maison, rue de Saint-Robert.
D.L. : Comment est fabriqué le ciment prompt ?
Le ciment prompt est obtenu en cuisant de la pierre dans un four droit. Une couche de pierre, une couche de charbon, etc… On cuit tout cela. Et ce qui en sort, cela s’appelle des grumes. Ces grumes sont concassées, broyées : cela donne du ciment prompt. Il s’agit de ciment naturel prompt. La pierre est extraite de carrières souterraines à Saint-Martin-le-Vinoux.
D.L. : Parlez-nous de ces fours.
On utilisait des fours verticaux pour ce ciment prompt.
Le ciment artificiel inventé en 1817 par Louis VICAT est lui fabriqué à partir d’argile et de calcaire extraits de la carrière de Sassenage. Les wagonnets qui traversent l’autoroute amènent cette pierre à l’usine de Saint-Egrève pour être broyée puis cuite dans un four rotatif de 70 mètres de long et 5 mètres de diamètre environ.
D.L. : Comment s’est traduite l’évolution aux Ciment VICAT ?
La transformation de l’usine s’est faite progressivement par une modernisation vers l’électronique : analyse par fluorescence X, finesse de la farine par laser, prise des échantillons de façon automatique, utilisation de dosomètres, réglages par jauge de contrainte, affichage au pupitre de commandes de tous les paramètres (températures diverses, huile de graissage, tonnage des matières etc…). La nouvelle modernisation va entraîner une nouvelle réduction d’effectif, la moyenne d’âge aidant, départ à la retraite avancée à 57 ans. Pour un travail relativement pénible (poste en trois huit), pendant de nombreuses années, les ouvriers ne sont finalement pas mécontents de prendre cette retraite méritée.
D.L. : Quels étaient vos horaires ?
Cela dépendait. A cause des trois huit, les fours fonctionnaient continuellement. Même les dimanches et jours fériés, ils ne s’arrêtaient jamais. Pour nous, il y avait bien sûr les repos. On travaillait 40 heures par semaine. Lorsqu’un ouvrier quittait son poste à la fin de son quart, un autre prenait sa place. Toutefois, il fallait bien sûr attendre lorsque la personne ne venait pas, ou si elle était malade. Il fallait continuer à travailler, le temps de trouver un remplaçant. Avec VICAT, personne ne se plaignait, ni des horaires, ni des conditions de travail, et encore moins du salaire, même si notre travail était très dur. Heureusement, on ne ressentait aucune pression derrière nous. Il faut souligner que les patrons étaient très compréhensifs sur la difficulté de notre travail.
Publié dans le Dauphiné Libéré en mai 2006